L’Adamant – Louis Sciara
Ours d’or à la Berlinale 2023, le film Sur l’Adamant de Nicolas Philibert redonne espoir aux professionnels du soin psychique et de la psychiatrie. Le réalisateur accueille avec humanité les propos des personnes dans cet hôpital de jour, ce lieu d’exception éponyme, une péniche parisienne. Ce film traite de la folie, de son caractère bien humain, de l’importance fondamentale de la parole dans la relation transférentielle. Il dévoile avec poésie les formes de créativité propres à chaque sujet. Il rend audible, visible, la valeur essentielle des rencontres individuelles avec des patients et le travail précieux, devenu si rare, d’une équipe soignante qui s’inscrit dans la lignée de la psychothérapie institutionnelle. En ces temps de paupérisation de la psychiatrie, d’idéologie prédominante de l’approche biologique de la maladie mentale, de discrédit de la psychanalyse et de la psychodynamique, on ne peut que se réjouir de son succès auprès du public. Plus de 100 000 spectateurs en moins d’un mois dont des critiques de cinéma, des professionnels du soin psychique et de la psychiatrie qui nourrissent l’espoir de « réveiller » les tutelles politiques. Ces dernières sont trop souvent séduites dans leurs conceptions des orientations politiques de soins par des arguments supposés scientifiques, éminemment économiques, mais aussi idéologiques.
La force de ce film réside dans l’habileté du cinéaste à faire ressentir avec sa caméra l’intimité de chaque rencontre, sans intentionnalité, ni monstration, ni démonstration. Son savoir-faire s’appuie sur ce qui fait trou, comme il l’indique dès la première image, pour mieux faire entendre les ponctuations, les silences au-delà de la parole, les regards furtifs, la gestuelle corporelle caractéristique de chaque personne rencontrée.
Ce que montre le film peut paraître quelque peu idéalisé. Il n’en délivre pas moins un message d’humanité sans naïveté et sans complaisance sur la folie présente en chacun, quand bien même ne devient pas fou qui veut.
Comment rendre moins sourds nos politiques, nos responsables des pouvoirs publics pour que cette dimension humaine de soins des sujets en souffrance psychique soit prise en compte ? Elle doit être considérée comme indispensable si on ne veut pas sombrer dans une déshumanisation programmée. Ce film me semble contribuer à infléchir la dérive actuelle de la désinstitutionalisation. Nos tutelles devraient entendre leur responsabilité majeure pour favoriser des dynamiques institutionnelles valorisant une éthique du soin fondée sur la dignité du sujet humain et le caractère fondamental de la parole.